Cet article « L’usage – Extrait de l’Act’Unit RH » est un extrait de la Newsletter parue le Vendredi 26 juillet 2024. Pour vous y inscrire, c’est juste ICI !
Et comme on le dit si bien : « une fois n’est pas coutume »
L’usage est une pratique qui consiste à octroyer régulièrement un avantage aux collaborateurs.
Si on dit pratique c’est parce que l’usage ne repose sur aucun écrit.
Son périmètre peut être différent : il peut s’agir de l’entreprise, d’une région, d’une profession ou d’une localité. (Cass.soc 27 mars 2001 n°98-44.292 ou 8 avril 2010 n°08-43.599)
Les critères de l’usage
La jurisprudence vérifie qu’une pratique relève d’un usage si trois critères sont réunis (Cass.soc 3 avril 1990, n°87-40.706 ou Cass.soc 10 octobre 2013, n°12-21.631 D).
Le tout premier est celui de la constance. Ici, le dicton « une fois n’est pas coutume » prend tout son sens puisqu’un avantage accordé occasionnellement ne constitue pas un usage (Cass. Soc., 3 octobre 1991, n°89-41.759).
Le critère de constance implique donc une régularité : par exemple, une prime de fin d’année versée plusieurs années de suite au mois de décembre.
Le deuxième critère est celui de la généralité. Ici on va vérifier si l’avantage est accordé à tous les salariés ou à tous les collaborateurs relevant d’une même catégorie du personnel. (Cass.soc 26 octobre 1979 n°78-41.113)
Ainsi, si vous décidez de verser une prime à certains salariés et pas à d’autres, ces salariés ne pourront pas se prévaloir d’un usage.
Enfin le dernier critère et pas des moindres : la fixité ! On pourrait le confondre avec celui de régularité en se disant qu’il est fixe dans le temps, mais non !
Par fixité, les juges apprécient les critères précis permettant d’accorder l’avantage.
Revenons à la prime de fin d’année : si elle correspond à un calcul précis, cela en fait un usage. (Cass.soc 26 novembre 1987 n°85-42.946).
Si a contrario, l’employeur attribue une prime, mais dont les critères (et donc le montant) sont aléatoires alors pas d’usage ! (Cass.soc 1er mars 1989 n°86-44.978)
Ainsi, si les critères de constance, de généralité et de fixité sont remplis : félicitations, l’avantage est un usage.
Une fois que vous avez créé un usage, vous êtes obligé(e) de le suivre : pas question de le retirer ou de le modifier du jour au lendemain !
Vous ne pouvez pas le retirer du jour au lendemain, mais vous pouvez décider de ne plus accorder cet avantage à vos salariés.
Pour cela vous suivrez la procédure de dénonciation !
La procédure de dénonciation à respecter
Comme évoqué précédemment, si aucun formalisme n’est requis pour mettre en place un usage, pour le retirer c’est une tout autre histoire !
La modification ou le retrait d’un usage n’a pas à être justifié !
Vous n’avez pas à motiver la décision, la seule obligation est de suivre la procédure dite de dénonciation d’usage.
Alors il ne s’agit pas d’afficher l’usage sur la place publique… quoique !
C’est la Cour de cassation qui a déterminé les 3 étapes à suivre (3 critères pour un usage, 3 étapes pour la dénonciation… « Habile Bill ») (Cass.soc 18 mars 1997 n°93-43.989)
L’information au CSE
La première étape : informer au préalable le CSE.
En vue d’une réunion, il faut inscrire sur l’ordre du jour le souhait de modifier ou supprimer tel usage.
En l’absence de CSE, il faudra passer directement à l’étape suivante.
Si la société n’a pas de PV de carence alors qu’elle était tenue d’organiser des élections, il faudra organiser les élections professionnelles avant de dénoncer l’usage. (Cass.soc 16 novembre 2005 n°04-40.339) À défaut, la dénonciation pourrait ne pas être licite.
Et qui dit dénonciation irrégulière, dit possibilité pour les salariés d’en réclamer l’application.
L’information aux salariés
La deuxième étape est celle d’informer les salariés. Dans cette situation, l’employeur informe tous les salariés, concernés ou bénéficiaires potentiels !
La Cour de cassation a pu se prononcer en ce sens sur un usage relatif à un avantage accordé au moment du départ à la retraite. L’employeur devait prévenir tous les salariés puisqu’ils étaient potentiellement bénéficiaires de cet avantage. (Cass.soc 28 janvier 2015 n°13.24.242)
Pour remplir l’obligation, il faudra donc prévenir individuellement chaque salarié par la remise d’un écrit l’informant de la suppression ou la modification de l’usage.
Le respect du délai de prévenance
La dernière étape, et pas des moindres, est celle de respecter un délai de prévenance.
Et là, on retombe un peu dans les travers du Droit social, puisqu’on parle de délai suffisant. Aucun délai précis n’est fixé.
Des exemples nous sont fournis par la jurisprudence, mais il s’agit de cas par cas.
Par exemple, une prime de fin d’année supprimée au mois de décembre ne respecte pas un délai de prévenance suffisant (Cass.soc 22 décembre 1988 n°86-42.715 ou 5 février 1992 n°88-41.643).
Mais si vous dénoncez un usage à compter du mois de mai pour un versement en décembre, le délai de prévenance est considéré comme suffisant. (Cass.soc 27 avril 1989 n°86-45468)
L’usage prendra fin à l’expiration du délai de prévenance fixé.
Attention, si l’usage est contractualisé : la procédure de dénonciation d’usage n’aura aucun effet puisqu’il s’agira d’un élément du contrat de travail qu’il ne sera pas possible de modifier ou supprimer sans l’accord du collaborateur (Cass. Soc., 1er février 2012, n°10-17.394).
Quelques situations particulières concernant l’usage
L’erreur n’est pas considérée comme un usage même si elle est répétée. (Cass.soc 26 mars 1981 n°79-41.610)
Elle peut néanmoins basculer dans l’usage si elle est faite de manière systématique depuis plusieurs années. (Cass.soc 28 octobre 1998 n°96-44.470)
De la même manière, une pratique illicite ne peut être considérée comme un usage. Et ce, même si les 3 critères sont réunis.
Dans cette hypothèse, en tant qu’employeur, il faudra y mettre fin (parce que c’est illicite) sans avoir à suivre la procédure de dénonciation exposée juste avant !
La Cour de cassation a d’ailleurs pu rappeler à l’occasion d’une pratique illicite que les salariés ne pouvaient pas se prévaloir de la pratique : dans l’affaire présentée aux juges, l’employeur avait indexé les salaires sur le SMIC. (Cass.soc 7 juin 2000 n°98-45.547)