La contrepartie accordée au salarié réalisant un temps de trajet inhabituel contrôlée par les juges ne peut pas être dérisoire.
Rappel
Le temps de trajet entre le domicile du salarié et son lieu de travail n’est pas considéré comme du temps de travail effectif. Celui-ci ne donne pas lieu à rémunération. Il peut cependant, et sous certaines conditions, faire l’objet d’une prise en charge financière. En effet, il peut s’agir du remboursement partiel de l’abonnement aux transports en commun, par exemple).
A ce titre, le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail ne peut pas non plus obliger l’employeur à verser à son collaborateur des heures supplémentaires.
En revanche, il en va différemment lorsque le salarié réalise un déplacement professionnel occasionnant un temps de trajet qui dépasse le temps habituel de trajet entre le domicile et le lieu de travail. Le déplacement inhabituel ouvrant droit pour le salarié au versement d’une contrepartie.
La contrepartie d’un temps de trajet supérieur au temps habituel
Application aux salariés effectuant un temps de trajet supérieur au temps de trajet habituel pour les besoins de leur entreprise (réunion au sein d’un autre établissement de l’entreprise, ou réunion dans les locaux d’un client, par exemple).
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L’Analyse de notre Juriste
Une contrepartie au temps de trajet inhabituel sous forme de repos ou financière
Un accord collectif (d’entreprise, d’établissement ou, à défaut, une convention collective) doit prévoir des contreparties lorsque le temps de déplacement professionnel dépasse le temps normal de trajet. A défaut, elles sont fixées par l’employeur après avis des représentants du personnel.
Le temps de déplacement inhabituel doit faire l’objet d’une contrepartie. Soit sous la forme de repos, soit sous le forme financière (article L. 3121-4 du Code du travail).
Si le code du travail fixe la règle de principe ; (article L.3121-7 du Code du travail), il n’en impose pas de quantité mesurable.
Une contrepartie qui ne doit pas être dérisoire
Dans une affaire jugée le 30 mars 2022 les juges ont eu à se prononcer sur ces contreparties.
Ils sont venus vérifier si le montant de la contrepartie allouée aux salariés répondait aux exigences légales et s’il n’était pas dérisoire. Ils ont donné raison aux juges de la Cour d’Appel d’ordonner à aux sociétés concernées de mettre en place un système de contreparties déterminées, région par région, en fonction du temps normal entre le domicile du salarié et le lieu habituel de travail qu’elle avait défini.
Dans cette affaire, la société prévoyait une contrepartie au temps de trajet inhabituel après application d’une « franchise » de 2 heures, c’est-à-dire de temps de déplacement excédentaire non indemnisé.
Les juges ont estimé que les compensations accordées étaient déconnectées des temps normaux de trajet ; la franchise étant trop importante. Elles sont dites dérisoires. L’employeur s’est vu contraint de verser 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Illustrations
Olivia met habituellement 35 minutes à parcourir le trajet de son domicile à son lieu de travail. Soit 1 heure et 10 minutes de trajet A/R.
Aujourd’hui, elle se rend chez un client en vue d’assister à une réunion de projet. Le trajet dure 1 heure et 20 minutes, soit 2 heures et 40 minutes de trajet A/R.
Son déplacement dépasse d’une heure et trente minutes son temps normal. De ce fait, son employeur lui accordera un repos compensateur de 45 minutes.
Source : Cour de cassation, chambre sociale 30 mars 2022 n°20-17.230