La rémunération c’est une histoire de tendances. S’il y a quelques années, la rémunération variable ne se représentait que par des « commissions », aujourd’hui on y retrouve énormément de possibilités. On parle alors de rémunérations hors salaire.
Mais lesquelles choisir ?
Ne m’en tenez pas rigueur, ce n’est pas ici que vous aurez la réponse. Mais je vais peut-être vous donner des idées pour construire votre future politique de rémunération ou la réajuster !
Si je ne peux pas vous dire ce que vous devez faire en termes de politique de rémunération c’est parce que celle-ci doit être cohérente avec :
- les paramètres internes : culture de l’entreprise, pratiques de management, confrontation des générations (X, Y, Z, et bientôt Alpha), RSE, etc.
- les paramètres externes : le niveau des salaires dans le bassin d’emploi, les pratiques des entreprises concurrentes, la rareté du poste sur le marché, etc.
- le paramètre « performance » : quel type de performance vous souhaitez récompenser ? des résultats financiers, la qualité du travail, la qualité du service client, la vitesse d’exécution des tâches, le présentéisme, l’esprit d’initiative, etc
- et enfin les incorruptibles paramètres légaux et conventionnels : le respect des minimas de salaire, les primes prévues par les conventions collectives, l’égalité H/F, etc.
Ces paramètres sont propres à chaque entreprise, il n’y a donc pas de politique de rémunération « modèle », le plus important c’est d’être en phase avec l’ensemble de ces paramètres.
Je vous parlais plus haut de « tendance » parce que les composantes de la rémunération suivent des modes.
On croit généralement que ces tendances suivent les générations mais c’est une erreur. Il ne faut pas définir une politique de rémunération en ne pensant qu’aux attentes de nos jeunes générations, il faut que chacun puisse s’y retrouver.
Et puis finalement, c’est surtout l’environnement qui va impacter les tendances de rémunération.
L’exemple le plus récent c’est bien évidemment l’épidémie Covid qui a profondément changé nos pratiques de travail et de management, ainsi que la vision du travail de nos collaborateurs. Les pratiques de rémunération ont par ricochet beaucoup évolué et l’administration est souvent venue encadrer ces pratiques au vue de leur succès.
Je vous propose 5 composantes de rémunération actuelles et appréciées en ce moment pour vous donner des idées !
La PPV : Prime partage de la valeur
Prime macron, prime gilets jaunes, prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, PEPA, et maintenant Prime de partage de valeur ou PPV… on n’a jamais autant rebaptisé une prime et ça peut semer la confusion ! Si certains de nos collaborateurs l’ont déjà oubliée, d’autres l’attendent avec impatience.
Pour vous, RH aguerris, cette prime n’a plus de secret. Vous avez même planché sur ce sujet depuis la fin de l’été pour définir le montant des primes et si c’est le cas, je vous conseille de passer au point 2 sans plus attendre !
Pour ceux qui veulent une petite piqure de rappel, il s’agit d’un dispositif sans équivalence en termes d’avantages fiscaux et sociaux. Pour faire court, cette prime c’est 3 000€ nets (ou jusqu’à 6 000€ si accord d’intéressement ou de participation) dans la poche de nos collaborateurs et non imposable. Du jamais-vu.
Depuis sa création en 2019, le montant maximal ne fait que croître. Qui aurait pu croire que depuis la crise des gilets jaunes on aurait dû faire face à une épidémie mondiale puis une guerre qui au cumul ont fait exploser les prix et le budget des ménages.
Le secret de cette prime c’est de bien l’encadrer. Vous définissez le montant maximal que vous souhaitez attribuer puis les éventuelles modalités de calcul en rédigeant une DUE. + d’infos : Prime Exceptionnelle de Pouvoir d’Achat « Partage de la valeur » : Ce qu’il faut savoir
Les + : pas de cotisations sociales et d’impôts, peut être versée en plusieurs fois par l’employeur, liberté pour l’employeur de la verser et de désigner son montant, possibilité de mettre en place des critères pour moduler son montant (temps de présence dans l’entreprise, niveau de salaire, ancienneté, etc).
Les – : Dispositif censé être à court terme, rédaction de la DUE qui peut prendre du temps.
Attention la réglementation change au 1er janvier 2024.
Le forfait télétravail
Une étude récente de Malakoff Humanis a révélé un taux de télétravailleurs à hauteur de 38% en 2022 contre 16% en 2019, avant l’épidémie Covid.
Si certains en ont profité pour réduire la taille des locaux, d’autres ont maintenu le télétravail pour répondre aux attentes des collaborateurs bien attachés au confort de cette pratique.
Néanmoins, un collaborateur en télétravail engage des frais personnels pour assurer son activité : équipements, électricité, loyer, assurance, etc. Si avant la crise Covid, les entreprises avaient tendance à rembourser ces frais au réel, aujourd’hui une indemnité forfaitaire a été mise en place par les Urssaf pour encadrer les frais engagés par les travailleurs en fonction de leur rythme de télétravail.
Plus simple, plus pratique, plus compréhensible.
Et pour une fois le calcul de cette indemnité est plutôt simple : 10€ nets maximum par mois pour 1 jour de télétravail par semaine ; 20€ nets mensuel pour 2 jours de télétravail par semaine, 30€ pour 3 jours et jusqu’à 50€ nets pour 5 jours de télétravail par semaine.
Pour en savoir plus et disposer des montants plus précis, consultez notre article : Télétravail en entreprise : Règles et mise en place
Vous pourriez vous poser 2 questions :
- « Et si je veux donner plus que 50€ ? » : dans ce cas, ça reste du net mais sur justificatif des dépenses réelles du télétravailleur. Sans justificatifs l’excédent est soumis à charges.
- « Comment je fais si le télétravail est libre ? » : c’est le cas chez Unit RH par exemple. Et bien il n’y a pas de précisions sur ce sujet, il faudra faire une moyenne du nombre de jours télétravaillés.
Je ne fais pas la chasse aux charges sociales car je connais leur importance mais quand les dispositifs sont en net, ça reste gagnant-gagnant pour l’employeur et le collaborateur et c’est plutôt rare !
C’est donc un complément de salaire qu’il ne faut pas négliger, d’autant plus que sa mise en place est rapide.
Et pour les RH qui exercent dans des secteurs où le télétravail est difficilement réalisable, ne nous quittez pas, il me reste encore 3 idées de rémunération à vous partager !
La fameuse semaine de 4 jours
Allez, je me lance dans le sujet qui fait débat ces derniers mois : la fameuse semaine de 4 jours.
On en entend beaucoup parler et il faut dire que les entreprises qui passent à la semaine de 4 jours aiment faire du bruit. Stratégiquement elles ont raison, c’est un super moyen d’améliorer la marque employeur et d’attirer des candidats.
Il y a 2 possibilités de recourir à la semaine de 4 jours :
1 . Travailler le même nombre d’heures que d’habitude mais sur 4 jours, en général 4*7h en conservant son salaire sur 35h.
C’est le cas qui me parait le plus complexe. Et dans le camp des oppositions on retrouvera : le service client : peut-on réellement se dispenser d’un jour de travail pour la productivité de l’entreprise ?
Ne s’est-on pas engagé auprès de nos clients sur un service 5j/7 par exemple ?
Que faire en cas d’absences du collaborateur, faut-il lui décompter 4 jours sur la semaine donc 4*7h alors qu’il est payé sur 35h ?
Que faire si j’ai déjà des collaborateurs à temps partiel, à 80% par exemple ?
Pour les gestionnaires de paie, comment calcule-t-on le plafond de la sécurité sociale ?
2 . Travailler plus longtemps sur 4 jours. Par exemple 4jours*8.75h.
Dans ce cas, cela ne pose pas de problème sur la gestion « administrative » car les 35h sont réalisées. Mais j’ai quand même des objections : si mes collaborateurs travaillaient sur une base supérieure à 35h, je ne risque pas de dépasser la durée de travail maximale journalière.
Pourrais-je encore me permettre de proposer des heures supplémentaires ?
Est-ce que tous mes collaborateurs vont vraiment pouvoir commencer leur journée plus tôt et la terminer plus tard ?
Ne perdons-nous pas l’objectif de rétablir l’équilibre vie pro/vie perso ?
Pour ces 2 possibilités, nous pouvons également nous demander si la hausse de productivité n’est-elle pas temporaire ? une fois que les collaborateurs se seront habitués à la semaine de 4 jours, ne vont-ils pas relâcher le rythme ? N’allons-nous pas créer plus de stress ou de fatigue en rassemblant 5 jours de travail sur 4 jours ?
Si vous réfléchissez à cette solution, préparez-vous à anticiper un maximum de problématiques et pesez bien le pour et le contre. Passer à la semaine de 4 jours ce n’est pas un dispositif que vous pourrez retirer facilement si vous vous rendez compte qu’il ne tient pas ses promesses.
Néanmoins la semaine de 4 jours a montré plusieurs avantages dans les entreprises qui l’ont mise en place et parmi eux on retrouve : une augmentation de la productivité, un meilleur équilibre vie pro/vie perso car plus de temps pour les loisirs et la vie de famille avec 3 jours de repos, un impact positif sur le moral des collaborateurs, une fidélisation renforcée, une possible réduction du taux d’absentéisme, plus d’attractivité sur le marché du travail pour attirer de nouveaux profils, ou encore la réduction des charges du type électricité, chauffage pour l’entreprise qui ferme un jour de plus.
Pour conclure sur ce point, je vous dirais que le constat de départ était que les salariés souhaitent avoir plus de temps personnel. Au lieu de la semaine de 4 jours qui peut paraître radicale et contraignante, pensez aussi aux bons vieux RTT qui font bien leur travail !
La participation aux frais de garde en crèche
Ce dispositif est le bienvenu si vous avez une partie assez représentative de votre population qui est parents d’enfants en bas âge.
Les parents savent que même si vous vous proposez l’un de vos reins en contrepartie, ça ne vous aidera pas à obtenir une place en crèche. Les places sont rares et quand bien même on parvient à en obtenir une, c’est un sacré budget à consacrer. Et c’est ici que l’employeur peut devenir le sauveur !
En tant qu’employeur, vous avez plusieurs possibilités de participation aux frais de crèche :
Subvention versée à la crèche pour réserver des places au profit des salariés de l’entreprise.
- Avantage en nature, sauf si la réservation permet seulement de réserver des places, et n’a pas d’avantage tarifaire pour le salarié. Cass 2 civ 8/10/2020 n°19-16.898
Participation versée au salarié pour réduire le coût supporté par rapport à la tarification de droit commun.
- La part de l’indemnité qui excède 1 830 euros par an par salarié est réintégrée dans l’assiette de cotisations.
Subvention versée à la crèche pour réduire le coût supporté par le salarié par rapport à la tarification de droit commun.
- Exonérée de cotisations dans la limite de 1 830 euros par an par salarié
- La fraction qui excède cette limite est réintégrée dans l’assiette
La crèche devra renseigner une attestation à destination de l’employeur qui fait apparaître le montant de l’avantage individualisé
Illustration : un employeur verse à une crèche une subvention annuelle de réservation de place pour 60 000 €. Il a négocié un tarif préférentiel pour ses salariés : 5,42 €, contre 9 € pour les autres parents.
Un salarié utilise la crèche pendant 1 an, à hauteur de 5 jours par semaine.
Le montant de l’avantage individualisé correspond à 7 697 € ((10h x 5 jours x 43 semaines x 9 euros) – (10h x 5 jours x 43 semaines x 5,42)). Cet avantage est exclu de cotisations pour la fraction qui n’excède pas 1 830 euros.
L’employeur réintègre 5 867 € (7 697 – 1830).
Vous pouvez aussi installer une micro-crèche dans les locaux de l’entreprise mais autant vous dire qu’il faudra prévoir une belle enveloppe et que c’est une tout autre gestion.
Si vous réfléchissez à cet avantage, pensez à établir des critères de priorités. Si vous avez 4 collaborateurs qui veulent une place dans la crèche dans laquelle vous avez réservé 2 berceaux par exemple, il va falloir faire un choix et vous imaginez bien que ce choix va faire des mécontents.
Parmi les critères, vous pouvez instaurer une ancienneté minimale, une priorité pour les parents solo, une priorité en fonction des horaires de travail particuliers, etc.
Petit + : un salarié qui a pu compter sur son employeur pour faire garder son enfant sera reconnaissant et cela renforcera sa fidélité.
Et si je vais au fond de ma pensée, le collaborateur quittera plus difficilement l’entreprise s’il sait qu’il va devoir chercher un nouveau moyen de garde pour sa petite progéniture (oui ça s’apparente à du chantage, mais chut !)
Les titres restaurants : Le top des rémunérations hors salaire ?
Attendez avant de penser que ce n’est pas révolutionnaire si je vous parle ici des titres restaurants !
Si j’ai fait ce choix c’est parce qu’ils n’ont jamais été autant utilisables qu’ils le sont aujourd’hui.
Mais c’est aussi parce qu’en tant qu’enseignante vacataire auprès d’étudiants en licence et en master RH, j’ai sondé mes élèves sur leur préférence parmi une quinzaine de dispositifs de rémunération et les tickets restaurants étaient les grands gagnants !!
Surprise de ce résultat, j’en ai tiré 2 explications :
- C’est universel. Que vous ayez une population stagiaire/apprentis/CDD/CDI, jeune/moins jeune, cadre/ouvrière, tertiaire/industrielle,… il n’en reste pas moins qu’il faut bien qu’elle s’alimente. Et les tickets restau sont un bon moyen de leur permettre de faire des courses, de déjeuner à l’extérieur de l’entreprise et de se faire des petits extras au restaurant.
- Les tickets restaurant sont connus de tous. Même si je ne suis adressée à des étudiants futurs RH, je me suis rendue compte qu’ils ne connaissaient pas l’intérêt de la plupart des dispositifs que je leur ai proposés. Ils ont donc choisi les tickets restau par défaut.
C’est l’occasion pour moi de rappeler que le secret d’une politique de rémunération réussie c’est : une bonne communication + la compréhension par tous des composantes de la rémunération. Si vous proposez un Compte épargne temps et que vos collaborateurs sont incapables de vous dire quels avantages ils en tirent, vous en perdrez tous les bénéfices.
Alors si l’utilisation des tickets restau était (trop ?) limitée avant la crise covid, aujourd’hui et jusqu’au 31/12/2023 c’est :
- Un plafond à 25€ par jour
- Des titres utilisables dans les magasins participants sur l’ensemble des produits alimentaires
- Une prise en charge par l’employeur de la valeur faciale du TR entre 50% et 60% pour bénéficier d’une exonération totale de charges
- Un montant maximal d’un TR soit 13€ sans devoir payer de charges (au delà, l’excédent est soumis à charges).
- (L’interdiction d’utiliser les TR le dimanche est maintenue bien que certains commerçant acceptent tout de même le paiement ce jour là)
Pour en savoir plus, consultez notre article : Tickets restaurant : Mise en place et attribution
Alors si vous n’avez pas encore de titres restaurants, pensez-y car ils ont du succès ! et dans les entreprises qui en ont déjà, pensez à relever le montant du titre ou la part de votre participation. Dans un contexte où les prix des achats de première nécessité flambent, c’est un bon coup de pouce pour vos collaborateurs. Et pensez à dématérialiser les titres restaurants pour une gestion plus automatisée et une utilisation plus libre…
Si vous avez tenu jusqu’à la fin de cet article, j’espère qu’il vous a donné des petites idées !
N’oubliez pas qu’une politique de rémunération est propre à chaque entreprise et aux problématiques que vous rencontrez. Des dispositifs plus anciens font aussi très bien leur travail : la prime de 13eme mois, la prime d’ancienneté, les primes sur objectifs par exemple.
Mais vous l’aurez compris, l’essentiel c’est d’être en phase avec le marché et les attentes de vos collaborateurs. Ne vous laissez pas piquer vos talents par des entreprises qui proposent des outils de rémunération que vous auriez pu mettre en place vous aussi.