Cet article « Prise d’acte de la rupture d’un contrat de travail – Extrait de l’Act’Unit RH » est un extrait de la Newsletter parue le Vendredi 13 décembre 2024. Pour vous y inscrire, c’est juste ICI !
Qu’est-ce que la prise d’acte et comment la faire ?
En tant qu’employeur, le Code du travail impose une obligation de prévention des risques professionnels envers les salariés. (Article L.4121-1 du Code du travail). La prise d’acte est un mode de rupture du contrat de travail réservé au salarié qui n’est plus en période d’essai.
Un employeur ne pourra pas faire une prise d’acte de la rupture du contrat de travail.
Pour la simple et bonne raison que la prise d’acte sous-entend un reproche à l’égard de l’employeur de manquer à ses obligations contractuelles. Par exemple, le non-paiement du salaire ou encore une modification du contrat de travail sans l’accord du salarié.
Quand un salarié manque à ses obligations contractuelles, l’employeur peut le licencier.
Et si un employeur souhaite tout de même prendre acte de la rupture du contrat, la Cour de cassation vient analyser cela en un licenciement abusif (Cass. Soc., 25 juin 2003, n°01-41.150 ou Cass. Soc., 26 octobre 2010, n°09-41.548)
Lorsque cette fois, c’est l’employeur qui manque à ses obligations, le salarié n’est pas démuni et peut donc prendre acte de la rupture de son contrat de travail.
Comment un salarié fait-il pour prendre acte de son contrat de travail ?
Aucun formalisme n’est imposé par le Code du travail. La jurisprudence nous rappelle que :
- aucune mise en demeure n’est obligatoire (Avis de la Cour de cassation du 3 avril 2019 n°19-70.001)
- la prise d’acte de la rupture doit être adressée directement à l’employeur (Cass.soc 16 mai 2012 n°10-15.238) ou au groupe auquel il appartient et dont ce dernier a eu connaissance (Cass.soc 6 décembre 2017 n°16-22.019)
Une fois portée à la connaissance de l’employeur, la prise d’acte a pour conséquence d’arrêter le contrat de travail immédiatement (Cass. Soc., 20 janvier 2010, n°08-43.471).
Qui dit cessation immédiate, dit pas de préavis à effectuer par le salarié (Cass. Soc., 28 septembre 2011, n°09-67.510).
Cette fin immédiate veut également dire qu’il n’est pas possible de revenir en arrière. Ainsi, en dehors de tout accord des parties (Cour d’appel de Douai, 29 janvier 2010 n°09-1290), il n’est pas possible pour un salarié de se rétracter de sa prise d’acte si elle a été notifiée à son employeur. (Cass. Soc., 14 octobre 2009 n°08-42.878).
La question qui se pose le plus souvent est comment réagir lorsque l’on reçoit une prise d’acte ?
L’employeur remet au collaborateur son certificat de travail, son solde de tout compte ainsi que son attestation France Travail.
Sur l’attestation, le motif indiqué doit être celui de la prise d’acte. Il n’est pas question d’indiquer un autre motif, comme la démission par exemple (Cass. Soc., 27 septembre 2006, n°05-40.414).
En effet, l’employeur ne peut qualifier la prise d’acte : il s’agit du rôle des juges !
La saisine obligatoire du juge
Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, il doit saisir le Conseil de Prud’hommes compétent.
Depuis 2014, le Code du travail encadre cette procédure, puisqu’il prévoit que le juge prud’homal dispose d’un délai d’un mois pour statuer sur les effets de la rupture (article L.1451-1 du Code du travail).
Un mois au Conseil des Prud’hommes c’est inédit puisqu’en cas de prise d’acte, depuis 2014, plus de phase de conciliation. L’affaire est directement envoyée devant le Bureau de jugement.
Pour l’anecdote, le rapport de la Cour des comptes de juin 2023 sur les conseils de Prud’hommes met en avant une augmentation de la durée des procédures.
En 2009, la durée de la procédure était de 9,9 mois en moyenne. En 2021, la durée moyenne était passée à 16,3 mois !
Ici, le Code du travail impose donc aux conseillers prud’homaux de faire passer une saisine concernant une prise d’acte de la rupture du contrat de travail rapidement.
L’appréciation par les juges et les effets
Une prise d’acte de la rupture de son contrat de travail n’est pas un mode de rupture définitif.
En effet, ce sont les juges qui vont choisir de qualifier la prise d’acte. Et pour ce faire, elle va regarder et apprécier les reproches faits par le salarié à son employeur.
Les juges vont ainsi vérifier la gravité des faits reprochés et vérifier que ces faits empêchaient le salarié de continuer de travailler.
Le salarié doit donc apporter aux juges les preuves de ces manquements. À défaut, les juges ne peuvent accéder à la demande de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse formulée par le salarié (Cass. Soc., 17 décembre 2003, n°01-45.286)
En cas de doute sur la réalité des manquements allégués, le doute profite à l’employeur (Cass. Soc., 19 décembre 2007, n°06-44.754).
Alors pourquoi les juges doivent apprécier la gravité des manquements ? Parce qu’au moment de la saisine, la rupture n’a pas de qualificatif exact et doit donc être requalifiée.
Les juges ont un choix :
- soit la requalification en démission si les manquements ne sont pas suffisamment graves pour justifier la cessation immédiate du contrat de travail (Cass. Soc., 25 juin 2003, n°01-42.335)
- soit la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul si, au contraire, les manquements sont suffisamment graves et que la prise d’acte est donc justifiée.
Si la requalification est celle de la démission, le salarié n’aura droit à aucune indemnité. Au contraire, et sauf cas particulier, l’employeur peut même lui réclamer une indemnité pour non-respect du préavis (Cass. Soc., 4 février 2009, n°07-44.142)
Si la requalification est celle d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul, le salarié peut prétendre au versement de différentes indemnités :
- celle pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- celle de licenciement,
- celle compensatrice de préavis,
- celle de congés payés y afférents
- celles prévues en cas de licenciement nul le cas échéant.
Il peut également prétendre à des dommages et intérêts en fonction des circonstances entourant la cessation du contrat de travail.
Cela peut donc coûter très cher !