Cet article « La prévoyance : dispense, maintien et portabilité – Extrait de l’Act’Unit RH » est un extrait de la Newsletter parue le Vendredi 11 octobre 2024. Pour vous y inscrire, c’est juste ICI !
Les cas de dispense
L’adhésion aux régimes de prévoyance complémentaire est obligatoire soit pour tous les salariés soit pour tous ceux entrant dans le champ des catégories visées.
C’est le principe … qui connaît une atténuation majeure : la dispense.
En effet, un collaborateur peut bénéficier d’une dispense d’adhésion. On distingue les dispenses d’ordre public de celles dites « facultatives ».
Les dispenses d’ordre public
L’ordre public c’est le fait de ne pas pouvoir y déroger, pour quelque raison que ce soit.
Voici les 5 grandes dispenses :
- pour les régimes de garantie de santé, d’incapacité, d’invalidité, de décès et de retraite de supplémentaire
- le salarié présent dans l’entreprise avant la mise par Décision Unilatérale si le régime prévoit une cotisation salariale peut bénéficier d’une dispense
- pour uniquement le régime de garantie de santé, la dispense est possible pour le salarié bénéficiant :
- d’une couverture au titre de la Complémentaire de Santé Solidaire – C2S (ancienne CMU)
- d’une couverture à titre individuel (en tant qu’assuré principal ou en qualité d’ayant droit)
- d’un CDD ou d’un contrat de mission s’il remplit les conditions.
- au titre d’un autre emploi, pour les mêmes risques, d’une couverture relevant d’un dispositif listé par le BOSS (BOSS, Autres éléments de rémunération, Protection sociale complémentaire, §810)
Le tableau du BOSS détaille précisément tous les cas de dispense.
Un cas de dispense jurisprudentiel
En juin 2023, la Cour de cassation a admis que le salarié pouvait demander à être dispensé de la mutuelle de son entreprise s’il est couvert par la mutuelle d’entreprise de son conjoint même si son adhésion en qualité d’ayant droit est facultative (Cass.soc 7 juin 2023 n°21-23.743).
Les dispenses facultatives
Ces cas de dispense doivent être mentionnés dans l’acte fondateur pour être mobilisés par un collaborateur.
Il est également possible de retrouver le détail sur le BOSS, juste ICI.
Une fois qu’on a identifié les cas de dispense se pose la question de la durée de validité de la dispense.
Elle peut être soit permanente, soit avoir une durée.
La dispense facultative limitée dans le temps
Par exemple, si un collaborateur est bénéficiaire de la C2S, sa dispense est valable jusqu’à la cessation de la couverture au titre de la C2S.
En effet, la mutuelle universelle est destinée à des personnes dont les revenus sont faibles. Une fois qu’un collaborateur travaille, il peut potentiellement sortir de cette catégorie et donc « perdre » le bénéfice de cette couverture.
La reconduction de la dispense
Pour les salariés bénéficiant d’une couverture à titre individuel, la dispense joue jusqu’à l’échéance du contrat individuel. Mais qu’entend-on ?
Souvent les contrats d’assurance individuelle sont conclus avec une clause de tacite reconduction : le contrat est renouvelé d’année en année sans avoir à refaire un contrat. Que se passe-t-il dans cette hypothèse ?
Ici, la dispense ne joue qu’à la date de reconduction tacite.
Généralement, on reçoit un courrier d’information pour nous prévenir de la future reconduction du contrat.
Dans cette hypothèse, le salarié devra faire savoir à sa mutuelle individuelle qu’il souhaite rompre son contrat d’assurance. Il sera alors affilié à la mutuelle de l’entreprise.
Ainsi, il est important de vérifier si la dispense est possible, pendant combien de temps et pour quelle prévoyance. d’une incapacité pour le salarié ou le versement d’un capital ou de rentes aux ayant-droits en cas de décès.
Le maintien et la portabilité de la prévoyance
La distinction entre ces deux notions est la suivante :
- Lors d’un maintien, un contrat de travail est en cours, mais suspendu.
- En cas de portabilité, un contrat de travail rompu.
Le maintien des garanties
Lorsque le contrat de travail du collaborateur est suspendu, la prévoyance complémentaire n’est, quant à elle, pas suspendue.
Le collaborateur bénéficie donc du maintien des prestations servies par la garantie frais de santé, mais également par l’ensemble de la prévoyance.
Ainsi, il sera possible pour le salarié en arrêt de travail de bénéficier des indemnités de prévoyance dans l’hypothèse où le contrat assureur le prévoit.
Cela sera également le cas si le collaborateur bénéficie d’un revenu de remplacement versé totalement ou partiellement, par l’employeur, dans le cadre d’un :
- congé maternité, paternité ou d’accueil d’un enfant, d’adoption, ou parental
- congé création ou reprise d’entreprise,
- congé pour exercice d’un mandat
- congé sabbatique,
- de l’activité partielle,
Ce maintien de garantie est primordial, car il conditionne le caractère collectif du contrat. Ce caractère est une des conditions nécessaires pour bénéficier des exonérations de cotisations sociales pour la part patronale.
La portabilité
S’agissant maintenant de la portabilité, il faut savoir qu’un dispositif légal encadre cette portabilité.
Dans cette hypothèse, même si le salarié n’appartient plus à l’employeur, il peut continuer de bénéficier des couvertures complémentaires de prévoyance.
Toutes les ruptures donnant droit à une prise en charge par l’assurance chômage (en dehors de la faute lourde) peuvent donner lieu à cette portabilité.
Alors ce n’est pas sans limite bien sûr !
Ce maintien est, bien évidemment, temporaire. Le Code de la Sécurité sociale prévoit ainsi que le maintien est possible pendant les périodes de chômage (article L.911-8 du Code de la Sécurité sociale) depuis le 1er juin 2014 pour le régime de garantie frais de santé et depuis le 1er juin 2015 pour les risques invalidité, incapacité et décès. Et cela, pour une durée correspondante à la durée du contrat de travail.
Par exemple, pour un contrat d’un mois, la portabilité sera possible pendant 1 mois.
Ici, la portabilité fait que le salarié n’a pas à payer. Et dans ce cas… Qui paie ?
Et bien c’est l’employeur, mais aussi le salarié, et tous les autres puisqu’il s’agit d’un financement mutualisé à travers les contributions patronales et salariales de prévoyance complémentaire.
La loi Evin
En plus de ce dispositif légal, la loi Évin prévoit qu’un salarié peut lui-même solliciter auprès de l’organisme assureur, une proposition de contrat individuel avec les mêmes garanties dont il bénéficiait grâce au contrat collectif de son entreprise.
Sa demande doit intervenir dans les 6 mois de la rupture de son contrat ou dans les 6 mois de la fin de la portabilité.
Cependant, dans ce cas, il est possible que le contrat soit (beaucoup) plus cher que le contrat conclu à titre collectif.
L’employeur doit informer le salarié de ces possibilités, mais également prévenir le ou les organismes assureurs de la fin du contrat.
Les sanctions possibles
Il est important de vérifier si les contrats répondent aux conditions pour bénéficier du régime social et fiscal de faveur.
Il est possible de bénéficier d’une exonération de cotisations de sécurité sociale sur les contributions finançant les régimes de prévoyance complémentaire.
Les conditions sont les suivantes :
- mise en place du régime : accord collectif, référendum ou décision unilatérale,
- non-substitution au salaire,
- caractère collectif,
- caractère obligatoire,
- nature des prestations des garanties de prévoyance complémentaires et garantie « frais de santé »
À défaut de les remplir, les contributions pourraient être réintégrées à l’assiette de cotisations et contributions.
La non souscription au contrat de prévoyance
Le risque étant de faire face à un contentieux prud’homal et une condamnation au paiement de diverses sommes.
Par exemple, si il y a des cadres dans l’entreprise et que l’entreprise ne souscrit pas à une prévoyance conformément à l’obligation en vertu de l’ANI, l’entreprise s’expose à un risque de paiement de 3 Plafonds annuels de la Sécurité sociale (PASS) vis-à-vis des ayants droit, en cas de décès du collaborateur.
Pour donner une idée, 1 PASS, à l’heure où j’écris ces lignes, est égal à 46 368€. Multiplié par 3, on est à 139 104€…
La vigilance doit être constante, preuve en est une décision récente rendue par la Cour d’appel de Douai : un salarié avait été embauché en statut non-cadre. Évolution de carrière oblige, il passe en statut cadre. Sur son bulletin de salaire, pas de problème : des cotisations de prévoyance à 1,5% sont bien prélevées. Jusqu’ici tout va bien.
Le collaborateur décède et son épouse entame alors les démarches pour obtenir le paiement de la garantie décès. Et là… stupéfaction : alors même que l’organisme encaisse les primes, le collaborateur n’était pas affilié à un contrat de prévoyance-cadre.
Résultat : les juges reconnaissent la faute de négligence commise par l’employeur qui n’a pas souscrit au bon contrat de prévoyance. Il est condamné au paiement de dommages et intérêts pour préjudice financier, pour préjudice moral.
Ensuite, n’oublie pas de remettre la notice d’information à ton collaborateur. À défaut, tu pourrais être condamné à verser des dommages et intérêts. (Cass.soc 26 septembre 2018 n°16-28.110)
Pour finir, la Cour de cassation s’est prononcée récemment sur la durée de la prescription sur cette question. Elle a ainsi jugé que le collaborateur lésé disposait d’un délai de 5 ans pour agir. (Cass.soc 26 juin 2024 n°22-17.240)