En France le droit de grève est un droit à valeur constitutionnelle. Dans la Constitution de la Vème République, il fait partie des droits et devoirs accordés dès 1946 : « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » (alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946).
Dans son arrêt du 2 février 2006,la chambre sociale de la Cour de cassation définit la grève comme étant “une cessation collective, concertée et totale du travail en vue de présenter à l’employeur des revendications professionnelles”
Quelles sont les conditions pour qu’une grève soit licite ?
Les conditions relatives au droit de grève sont les suivantes :
- Une cessation totale du travail : La grève suppose un arrêt total de l’activité des salariés grévistes (certaines formes de grèves qui n’entraînent pas un arrêt total du travail sont considérées comme illicites. Voir ci-dessous)
- Une cessation collective et concertée : La grève ne peut pas être le fait d’un seul salarié, bien qu’il soit un droit individuel il doit s’exercer collectivement. (Les seules exceptions sont les suivantes : Un salarié peut faire grève seul s’il est l’unique salarié de l’entreprise ou s’il participe à un mouvement national)
Par ailleurs, la grève doit résulter d’une volonté commune des salariés de cesser le travail pour appuyer des revendications professionnelles. (Dans le secteur public la grève doit obligatoirement être déclenchée via l’appel d’un syndicat).
Enfin, , il n’est pas nécessaire que l’ensemble des salariés d’une entreprise participe à la grève pour que celle-ci soit valable.
- Exemple de revendications professionnelles : Conditions de travail, salaires, temps de travail…
La grève peut être déclenchée à tout moment dans le secteur privé. Aucun préavis, avertissement ou tentative de conciliation avec l’employeur n’est nécessaire.
Au contraire, dans le secteur public, une grève doit obligatoirement être précédée d’un préavis de cinq jours. Ce préavis permet aux représentants syndicaux et à l’employeur de négocier.
Peu importe le secteur, les revendications des grévistes doivent être clairement communiquées à l’employeur.
La durée de la grève n’est pas encadrée. Celle-ci peut être de courte durée ou alors s’étendre sur plusieurs jours voire plusieurs semaines.
Attention : S’exposent à des sanctions les salariés grévistes ne respectant pas le travail des non-grévistes. (En bloquant un outils de travail par exemple)
Téléchargez notre infographie pour en apprendre plus sur le droit de grève
La protection du salarié gréviste
Conformément aux dispositions de l’article L 2511-1 du code du travail, l’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié.
Ainsi, en l’absence de faute lourde, le licenciement prononcé à l’encontre du salarié gréviste encourt la nullité (Cass. Soc. 9 mai 2012, n°10-24.307).
Il est interdit à l’employeur d’adopter des mesures discriminatoires à l’égard des salariés grévistes en matière de rémunérations ou d’avantages sociaux.
En outre, l’article L 1132-2 du code du travail indique qu’aucun salarié ne peut être sanctionné en raison de l’exercice normal du droit de grève.
Les formes de grèves considérées comme illicites
La grève n’est pas valable si le mouvement est organisé dans les conditions suivantes :
- La grève perlée : Le salariés effectuent le travail au ralenti ou dans des conditions volontairement défectueuses.
- La grève limitée à une obligation particulière du contrat de travail des salariés
- La grève d’autosatisfaction : Les salariés souhaitent s’accorder eux-mêmes satisfaction à leurs revendications, l’employeur ne dispose donc pas de marge de négociation
- La grève du zèle : Les salariés travaillent en appliquant strictement les consignes données (sans intelligence et implication), l’exécution se fait donc au ralenti.
- Grève tournante : Les grévistes se concertent et se relaient pour faire grève afin que les effectifs de travail ne soient jamais au complet. Dès lors qu’elle désorganise l’entreprise, cette grève est illicite.. Elle est prohibée dans le secteur public.
- Grève fondée uniquement sur des motifs politiques.
Attention : Le salarié participant à un mouvement de grève illicite n’est pas protégé par le droit de grève. Il risque alors une sanction disciplinaire par son employeur et peut être licencié sans que son employeur ait à prouver une faute lourde.
Sont des actes abusifs pouvant être sanctionnées pénalement :
- le blocage de l’accès à un site ;
- l’occupation des locaux afin d’empêcher le travail des non-grévistes ;
- la dégradation des locaux ou des matériels ;
- les actes de violence à l’encontre de la direction ou du personnel de l’entreprise.
Droit de grève : Les conséquences sur l’emploi
Un salarié gréviste voit son contrat de travail suspendu mais pas rompu par le fait de la grève.
Dans sa rédaction actuelle, le Code du travail précise en son article L.2511-1 : “l’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié ».
Le salarié perd donc une partie de son salaire proportionnellement à la durée de l’arrêt de travail pour grève. Dans le secteur public, la retenue sur salaire ne peut pas être inférieure à 1/30ème de la rémunération.
Pendant la grève, l’employeur doit fournir du travail et donc une rémunération aux salariés non-grévistes. Il existe une exception à cette règle si l’employeur peut prouver qu’il est dans l’impossibilité de faire fonctionner l’entreprise.
En cas de mouvement global ou d’occupation des locaux, il est possible que les salariés non-grévistes se trouvent dans l’impossibilité de travailler. L’employeur peut donc se voir dispenser de son obligation de payer les salaires.
Droit de grève : Quelles sont les limites ?
Secteur public et droit de grève
Dans le secteur public, certains agents n’ont pas la possibilité de faire valoir leur droit de grève. Ils ont pour obligation d’assurer la continuité du service public.
Les professions concernées par cette obligation sont :
- Les militaires ;
- Les policiers, gendarmes et CRS ;
- Les magistrats ;
- Les surveillants pénitentiaires ;
- Les personnels des transmissions du ministère de l’intérieur
Plusieurs autres professions disposent d’un droit de grève “limité”. Elles sont dans l’obligation d’assurer un service minimum à cause de l’organisation particulière du travail. On identifie par exemple les employés de l’audiovisuel public, des transports, du secteur nucléaire, du secteur hospitalier…
La réquisition des salariés
Au nom de l’article L.1111-2 du Code de la défense, le pouvoir exécutif peut décider de limiter le droit de grève de tout ou une partie de la population « en cas de menace portant notamment sur une partie du territoire, sur un secteur de la vie nationale ou sur une fraction de la population ».
L’article L. 2215-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit la possibilité de procéder à des réquisitions de personnels lorsque celle-ci porte atteinte à l’ordre public.
A titre d’exemple, une réquisition a été ordonnée le 27 octobre 2010 à l’initiative du Gouvernement à l’encontre du personnel en grève du groupe TOTAL. Plus récemment, les salariés des raffineries du même groupe se sont mis en grève en octobre 2022. Une réquisition a donc été ordonnée suite aux pénuries de carburant constatées à travers le territoire national.
Une ordonnance du Conseil d’Etat du 27 octobre 2010, intervenant suite de la réquisition du personnel en grève du groupe Total, précise les modalités de réquisitions, lorsque « l’activité présente une importance particulière pour le maintien de l’activité économique, la satisfaction des besoins essentiels de la population ou le fonctionnement des services publics, lorsque les perturbations résultant de la grève créent une menace pour l’ordre public ».
Le pouvoir de réquisition appartient également au préfet, qui ne doit en avoir recours que si l’urgence le justifie et qu’il n’a pas d’autres moyens à sa disposition.
Pour finir, la réquisition doit respecter un principe de proportionnalité. Elle est limitée “aux équipes de quarts nécessaires”.
Attention : Le non-respect des mesures de réquisition expose les salariés grévistes à des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à 6 mois d’emprisonnement et 10.000 euros d’amende.