Longtemps tabou, le thème du harcèlement au travail est désormais considéré comme un réel problème. En effet, trois salariés sur dix ont le sentiment d’avoir déjà été l’objet de harcèlement sur leur lieu de travail, c’est-à-dire d’avoir été l’objet de conduites abusives.
Le harcèlement au travail est un risque psychosocial majeur au sein d’une entreprise. Il peut intervenir dans un rapport de force hiérarchique comme entre deux employés. De plus, le harcèlement peut parfois s’exprimer hors du lieu de travail.
Comment reconnaitre le harcèlement au travail ?
On distingue deux types de harcèlement au travail :
- Le harcèlement moral : Il se caractérise par des agissements répétés qui visent à dégrader les conditions de travail de la victime ainsi que de compromettre son avenir professionnel. Il nuit également à sa santé mentale et physique tout en portant atteinte à ses droits et à sa dignité.
- Le harcèlement sexuel : Il se constitue par des agissements répétés tels que des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste créant une situation intimidante et hostile. Ce type de harcèlement porte atteinte à la dignité de la victime et a même dans certains cas pour but d’obtenir des avantages de nature sexuelle.
Le harcèlement au travail, qu’il soit moral ou sexuel, est un délit puni par le Code pénal.
En plus d’une sanction disciplinaire prise par l’employeur, l’auteur de harcèlement peut être condamné à 2 ans de prison et à payer une amende pouvant aller jusqu’à 45 000€.
Des dommages et intérêts peuvent également être demandés par la victime en fonction du préjudice subi.
Le harcèlement au travail : Quelques exemples concrets
Employeurs, au travers de ces exemples concrets, nous vous aidons à déterminer tout ce qui peut constituer du harcèlement au sein de votre entreprise.
L’objectif ? Vous permettre de reconnaître des situations de harcèlement afin de pouvoir agir rapidement et efficacement pour le bien être de vos salariés.
Attention : Il est important de ne pas confondre le harcèlement avec la pression inhérente à l’activité de votre entreprise.
Avant toute chose : Voici quelques signaux forts vous permettant d’identifier le mal être d’un collaborateur :
- Isolement
- Agressivité et irritabilité
- Fatigue, Trouble du sommeil et de l’alimentation
- Perte du sens de l’humour
- Trouble de l’attention et de la concentration
Ces signaux permettent de mettre le doigt sur un potentiel problème de harcèlement au sein de votre entreprise :
Dénigrement et brimade : Le salarié reçoit des ordres et des critiques d’un autre salarié se comportant comme son supérieur hiérarchique.
Humour déplacé : Le salarié subit de la discrimination sur son sexe, son âge, sa religion sous couvert de l’humour. On lui donne des surnoms peu valorisants, on rigole sur sa tenue vestimentaire…
Critiques dégradantes : Le supérieur hiérarchique du salarié lui répète des termes humiliants et dévalorisants sur son activité et ses tâches réalisées.
Humiliations publiques : Propos blessants et humiliants proférés de manière répétée par un supérieur hiérarchique ou non, en présence d’autres salariés.
Mesures vexatoires : Le salarié fait l’objet de multiples mesures vexatoires, comme par exemple :
- la réception de notes contenant des remarques péjoratives assénées sur un ton péremptoire propre à le discréditer ;
- des reproches sur son « incapacité professionnelle et/ou psychologique » et sa présence « nuisible et/ou inutile » ;
- le retrait des clés de son bureau ;
- sa mise à l’écart d’un groupe de travail ;
- la diminution du taux horaire de sa rémunération…
Tâches dévalorisantes : Le salarié se voit confier des tâches ne correspondant pas à sa qualification ou qui sortent complètement de son secteur d’activité.
Tâches dépassant ses capacités : Le salarié se voit confier des tâches qui dépassent ses capacités et qui mettent en jeu sa sécurité/santé.
La mise au placard : Le poste de travail du salarié est à l’écart de tous, dans un bureau exigu, dépourvu de chauffage et d’outils nécessaires à la bonne exécution de son travail.
Cela peut aussi se manifester lors du retour du salarié après une longue absence, sa hiérarchie s’oppose alors à la reprise de ses fonctions initiales pour l’écarter petit à petit de l’entreprise.
La privatisation d’outils de travail professionnels : Défaut d’ordinateur, de téléphone ou encore de véhicule de fonction, le salarié doit investir personnellement dans des outils lui permettant de mener à bien ses missions.
Avertissements infondés : Le salarié subit plusieurs avertissements sans reproches préalables.
Situation de bore-out : Le bore-out signifie “le surplus d’ennui », les causes peuvent être multiples : sur qualification du salarié par rapport aux missions qui lui sont confiées, mise au placard, tâches répétitives, manque de challenge ou de défis, ou encore, l’absence d’évolution professionnelle.
Différences de traitement : Le salarié ne perçoit pas la même rémunération que son égal dans l’entreprise, il ne dispose pas des mêmes outils ou sa hiérarchie se comporte différemment avec lui.
C’est notamment les salariés syndiqués qui sont les plus concernés par ce point.
L’employeur est le premier responsable de la prévention du harcèlement et de la violence au travail.
Il est le garant de la santé et de la sécurité des salariés sur le lieu de travail et doit œuvrer à l’éradication des risques professionnels, y compris des risques psychosociaux.
Que l’on parle de harcèlement moral ou sexuel, le chef d’entreprise doit être actif sur tous les dossiers liés à la souffrance au travail. En cas d’inaction, il peut être condamné pour faute inexcusable.
Comment réagir face à un cas de harcèlement au travail ?
Il est important de prendre toute allégation de harcèlement au sein de votre entreprise très au sérieux, de réagir rapidement et de manière appropriée. Voici quelques étapes que vous pouvez suivre en tant qu’employeur pour gérer un cas d’harcèlement au travail :
1 . Ouvrez le dialogue et écoutez attentivement la personne qui a fait l’allégation. Croyez en son récit, ne mettez jamais en doute la véracité de ses déclarations et ne minimisez pas l’incident.
2 . Prenez des mesures immédiates pour protéger la victime de tout autre harcèlement ou discrimination. Cela peut inclure des changements de poste de travail temporaires ou l’éloignement de l’agresseur.
3 . Conduisez une enquête approfondie et impartiale sur l’incident. Cela peut inclure l’écoute de témoins pour recueillir des preuves. Assurez-vous de suivre les procédures d’enquête mises en place dans l’entreprise ou conformément à la loi applicable.
N.B : En tant que RH ou chef d’entreprise, votre rôle est d’identifier les problèmes, pas de les régler !
Faites appel à un cabinet spécialisé pour mener une enquête interne afin de faire expertiser les problèmes par un point de vue totalement neutre et identifier les meilleures solutions.
Aider une personne sur sa santé mentale est un métier, ne vous improvisez pas médecin !
4 . Prenez des mesures disciplinaires appropriées en fonction des résultats de l’enquête. Ces mesures peuvent aller de l’avertissement au licenciement.
5 . Offrez un soutien à la victime et veillez à ce qu’elle se sente en sécurité et protégée sur le lieu de travail. Cela peut inclure des conseils de soutien psychologique ou une assistance pour trouver un nouvel emploi si nécessaire.
N’hésitez pas à contacter un psychologue du travail. Vous pouvez aussi participer à la reconstruction de votre salarié, notamment en lui facilitant la reprise de son poste par exemple.
6 . Communiquer sur les sanctions prises à l’encontre des harceleurs à vos équipes. Le rôle majeur de ce dernier point est son aspect préventif. Montrez que ce genre de comportement est intolérable au sein de votre entreprise et que tout débordement est sanctionnable.
Comment prévenir du harcèlement dans votre entreprise ?
Le harcèlement peut avoir des conséquences graves sur la santé mentale et physique des personnes qui en sont victimes.
Il est important de prendre des mesures pour prévenir le harcèlement et protéger les personnes vulnérables.
1 . Communiquer sur le sujet avec vos équipes
Communiquer sur le sujet du harcèlement est primordial pour votre entreprise. Faites en sorte que les salariés communiquent entre eux pour exprimer leurs problèmes. Montrez l’importance de la nécessité de percer l’abcès autour d’un malentendu ou d’un fait avéré de harcèlement.
Mettez en place un dialogue sain avec vos équipes et assurez-vous que chacun comprenne les conséquences du harcèlement sur la personne mais aussi les conséquences pénales qu’ils peuvent encourir.
La communication est l’atout majeur pour maintenir le collectif, favoriser l’entraide et le travail dans de bonnes conditions.
La clé d’une prévention du harcèlement assuré, c’est le collectif !
2 . Identifier les problèmes par l’observation
Comme nous avons pu le voir dans la première partie de cet article, il est important de savoir identifier les problèmes dans les relations entre vos collaborateurs.
Observer l’attitude de vos salariés permet de prévenir une situation délicate en termes de harcèlement. Votre vision externe aux équipes en tant qu’employeur vous donne une approche différente de la situation et vous permet de jouer le rôle de médiateur et d’avertir sur votre inflexibilité en face de comportements inadéquats.
3 . Plaisanteries douteuses et attouchements : Tolérance zéro
Il est nécessaire de bien définir les règles pour éviter toute situation déplacée. N’hésitez pas à reprendre vos salariés un peu trop blagueurs et tactiles.
Une mise en garde régulière sur ces pratiques peut éviter ce genre de comportement et rassurer les personnes qui peuvent en faire l’objet.
Même si cela fait partie de votre culture d’entreprise d’être informel, il reste important de respecter le cadre légal. Vos salariés doivent comprendre que l’on ne rigole pas avec ce sujet.
4 . Mesures de prévention
La sensibilisation des salariés est une étape importante. Votre règlement intérieur doit mentionner l’interdiction des faits de harcèlement.
Vous pouvez aussi disposer des visuels de prévention sur les panneaux d’affichage.
De plus, la médecine du travail peut informer une entreprise et ses employés pour sensibiliser d’autant plus, à la suite de précédentes affaires de harcèlement.
Votre devoir en tant qu’employeur est aussi de porter à la connaissance de vos salariés les textes de loi issus du code pénal réprimant le harcèlement moral. Il est aussi important de collaborer avec les représentants du personnel (CSE) et, s’il existe, la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT).
5 . Prévenir du stress afin d’éviter toute sorte d’agressivité
Prévoyez des débriefings avec vos équipes pour leur permettre d’éliminer ce qu’ils ont sur le cœur et le stress accumulé sur une période donnée.
L’agressivité due au stress peut pousser au harcèlement et nécessite de prendre des mesures pour soulager ses employés.
Organiser des afterworks ou des événements aide à faire redescendre la pression et de comprendre le climat actuel de l’organisation et de vos équipes. Ne vous fiez pas aux apparences !
6 . Questionnaires anonymes et audit externe
Dans le cas où vos équipes hésitent ou n’arrivent pas à s’exprimer sur le sujet, l’anonymat mis en place par un audit externe peut leur permettre de se confier plus facilement et sans contraintes.
7 . Le droit regard de l’employeur
En cas de harcèlement, vous pouvez être accusé devant les tribunaux ! Vous êtes responsable de vos employés et de leurs agissements au sein de votre organisation.
En cas de doute sur une situation de harcèlement, vous pouvez faire valoir votre droit de regard sur les correspondances de vos salariés (courriels, plan d’action, entretien annuel…). Cette solution peut s’avérer radicale, mais elle aide à déceler des comportements inhabituels entre vos employés, si tel est le cas.
8 . Le principe de neutralité
Vous vous devez de rester neutre dans les cas de harcèlement. Jouez le rôle de médiateur
si un de vos collaborateurs se permet des réflexions douteuses ou des approches étranges, soyez inflexibles.
9 . Tentez de comprendre le harceleur
Comprendre le comportement d’un harceleur aide à arrêter le harcèlement et surtout à le prévenir. N’hésitez pas à mettre en place une surveillance pour éviter les récidives.
10 . Prenez les mesures nécessaires
Si un cas de harcèlement est avéré au sein de votre entreprise, vous avez l’obligation légale de prendre les mesures nécessaires. Ne prenez jamais le moindre élément problématique à la légère.
Mettez en place une procédure interne. Soutenez les personnes concernées et sanctionnez l’auteur de harcèlement à hauteur des faits commis. N’hésitez surtout pas à communiquer sur les sanctions prises afin d’en faire un exemple !
Pour conclure, il n’y a pas de recette miracle pour prévenir du harcèlement au sein de votre entreprise. Cependant, vous pouvez mettre toutes les chances de votre côté en mettant en place les mesures citées ci-dessus afin de :
- Réduire les risques de harcèlement et créer un environnement de travail sain et sécurisé pour tous vos employés ;
- Assurer le bien-être physique, mental et social des salariés ;
- Créer une culture d’entreprise basée sur la tolérance, l’inclusion et le respect mutuel ;
- Promouvoir une communication ouverte entre employeurs et employés afin de résoudre rapidement tout problème éventuel.
Merci à Anne-Blandine Cléré, Psychologue du travail & Thérapeute narrative pour ses conseils qui ont permis la rédaction de cet article…
